Marche : Philippe Morel, l’amoureux du « 200 km »

Le nouveau champion de France du 200 km marche est un spécimen rare. Epris des très longues distances comme environ 150 autres marcheurs français, Philippe Morel est un spécialiste du « grand fond ». Vainqueur du dernier championnat de France de 200 km marche, disputé les 23 et 24 mars derniers à Château Thierry (Aisne), cet ancien pâtissier avale les kilomètres comme un gourmand se régalerait de « Paris-Brest ». Mais Philippe Morel, lui, préfère le « Paris-Colmar »… une marche forcée de 535 kilomètres entre la capitale et la cité alsacienne qui aura lieu du 29 mai au 2 juin prochain.
 

Portrait de ce fou du bitume

Certains sont tombés dans l’athlétisme quand ils étaient petits. Ce n’est pas le cas de Philippe Morel, le nouveau champion de France du 200 km marche. Vainqueur de l’épreuve reine de la marche « grand fond », disputée les 23 et 24 mars derniers dans sa région natale de Château Thierry, ce Picard de bientôt 37 ans n’était pas prédestiné à monter, un jour, sur la plus haute marche d’un podium d’athlétisme. Enfant, il avait commencé par le football. Comme tout le monde.  
« En poussins et en pupilles, mes parents m’avaient inscrit dans une équipe de football mais j’étais vraiment nul, se souvient-il. Je n’avais pas le sens du jeu. Et j’ai rapidement arrêté le ballon rond pour m’inscrire dans un club de tennis de table. » A l’époque, ce jeune Picard originaire d’Etampes-sur-Marne suit parallèlement des études pour devenir pâtissier. A 16 ans, il commence à enfourner ses premiers gâteaux et oublie ses raquettes de ping-pong dans un placard. « Je n’avais plus le temps, explique-t-il. Je travaillais tous les week-ends et, lors des rares moments de loisirs, je préférais me reposer. J’avais encore le sport dans l’âme mais je ne pratiquais plus. ».
 

Arrivé à la marche par hasard

Jusqu’à ce jour de 1990 où tout bascule. Cette année-là, comme chaque année à Château Thierry, le club local organise les 200 km marche. Pour donner à l’épreuve une touche populaire, l’ACCT programme un 20 km marche ouvert aux non licenciés. Par jeu, Philippe Morel s’y inscrit. Il a alors 25 ans. Son résultat ? « Il avait fini quatrième, se souvient Claude Dogny, le président du club devenu son entraîneur. Je lui avais immédiatement demandé s’il ne voulait pas venir à deux ou trois séances d’entraînement. » Sans hésiter, Philippe Morel répond positivement et tombe amoureux de la marche.
« Quand j’étais môme, à la fin des années 70, les 200 km étaient déjà une institution à Château Thierry, se souvient ce deux-cents-bornard du pas cadencé. Je suivais les marcheurs toute la nuit sur mon vélo. Mes parents s’inquiétait mais c’était géant ! » Petit à petit, Philippe Morel se prend au jeu et commence les compétitions. En 1991, il abandonne sa pâtisserie et accepte un poste de magasinier dans une usine de la région. Ouvrier dans la journée, « Phiphi » enfile sa casquette de marcheur le soir venu. Et les résultats ne tardent pas. En 1999, il devient vice-champion de France des 200 km et se classe 9ème de Paris-Colmar. Des vraies références.
Cette saison, après avoir enchaîné les 54 boucles de 3,660 kilomètres qui constituait le parcours « sélectif » de ces championnats de France de Château Thierry, Philippe Morel a décroché sa première médaille d’or en 22 h 50 m 17 s. « Mais j’ai été aidé par l’abandon du favori, David Régy (Neuilly Plaisance) qui a lâché à mi-parcours, raconte-t-il, modeste. Aux 100 kilomètres, j’étais deuxième et il a fallu que j’aille chercher un autre marcheur pour décrocher cette victoire. Désormais, en tant que champion de France, j’ai l’impression d’avoir de nouvelles responsabilités sur les épaules. » Comme celles de faire une « perf », du 29 mai au 2 juin, lors du prochain « Paris-Colmar », la course mythique, le Nirvana des passionnés de grand fond.
 

Et maintenant Paris-Colmar

« Mentalement, je sens que je suis maintenant plus solide depuis cette victoire, poursuit-il. Je m’approche désormais des meilleurs. Mais le niveau est de plus en plus dur. A Paris-Colmar, mon objectif est de finir premier Français. Depuis que Claude Dogny, le président de mon club, me concocte des plans d’entraînement, j’ai progressé. Mais, même si je me prépare comme un pro, je suis un amateur et je préfère rester zen. » Autre petit détail : dans son club, Philippe Morel tente d’attirer des jeunes vers sa discipline. Et ça marche ! « Il faut penser à la relève, lâche-t-il. Je profite de ma petite gloire éphémère pour promouvoir ma passion. » Ce gars-là est vraiment un spécimen rare. Quelqu’un de bien, tout simplement.
 

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